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Cet homme-là doit être né la main sur le cœur. Patron de l’hôtel Mozart (trois étoiles) en plein centre de Bruxelles, à un jet de Manneken-Pis et de la Grand-Place, Ahmed Ben Abderrahmane (dit Benjamin) ne loue pas seulement des lits aux touristes de passage : il met les chambres inoccupées à disposition des sans-abri, sans-papiers et autres paumés de la vie. Et cela dure depuis 17 ans.
Il se rend lui-même à la gare centrale, toute proche, ou à la gare du nord et repère les familles qui errent sans toit. "Il faut aider les gens qui n’ont rien à manger et qui n’ont nulle part où dormir. C’est normal de faire ça." Il les invite alors dans son palais des mille et une nuits ouvert aux plus démunis. "J’ai ça dans les gènes", sourit ce Marocain né à à Tanger il y a 56 ans. Parfois, il les accueille juste le temps d’un repas, dans le restaurant voisin dont il est aussi propriétaire. "On fait une grande tajine. Mais un durum suffit parfois à les rendre contents. Ça coûte quoi pour moi, un durum ? Quasi-rien !" Cette semaine encore, 5 familles ont posé leurs bagages, pour deux nuits, le temps de se retourner.
Pour les touristes de cet hôtel de la rue du Marché-aux-Fromages - plus communément appelée la rue des pitas - la chambre double, avec douche et toilettes coûte 100 euros, petit-déjeuner compris; la quadruple vaut 150 euros. Pour les autres, invités du patron, c’est gratuit. "Faire plaisir, c’est un plaisir. Ça reste à vie." Des maximes et des devises, Benjamin en a à revendre. Comme celle-ci : "Quand on veut, on peut et avec peu, on peut faire beaucoup". Mais il faut la foi, ajoute-t-il immédiatement. L’homme pratique sans compter l’aumône - la "zakat" - un des cinq piliers de l’islam. "On doit partager, c’est important."
Ici, on oublie la pluie de Bruxelles. L’hôtel, incrusté dans un immeuble de caractère du XVII e siècle, dont les 54 chambres ont été décorées individuellement par le propriétaire, emmène les clients dans la magie maghrébine. Une fontaine décore l’entrée; des chandeliers papillotent; les fauteuils rivalisent de dorures avec les guéridons; les lustres ont été fabriqués par un artisan de Marrakech. "On dirait qu’on est en vacances sans prendre un billet d’avion, dit-il de sa voix douce. Personne ne croit que je suis un patron", ajoute Benjamin, en jeans et chemise à carreaux. "Je suis très ouvert et accessible." De fait.
Trois jeunes Chinoises sont assises près du piano de la réception. Elles observent, un peu éberluées, le couple d’un âge indéfinissable qui vient de s’affaler sur les deux fauteuils qui encadrent la fontaine. Elle, cheveux longs et espadrilles, traînant un vieux sac GB. Lui, en sandales et pantalon fripé. Deux habitués des lieux. Ils font un petit bonjour au réceptionniste, se posent quelques minutes avant de repartir arpenter les rues.
La cohabitation entre les clients et les autres hôtes ne pose pas de problème, assure M. Ben Abderrahmane. Les premiers ne se rendent compte de rien; les seconds ont leur clé, comme les autres. Depuis 6 mois, une femme qui a deux enfants séjourne dans la chambre 133. Envoyée par le Samu social de Bruxelles.
Si, pendant de longues années, l’accueil solidaire s’est fait en toute discrétion, l’hôtel Mozart est - quasi - devenu une institution depuis un an et demi. Les CPAS de la Région, le Casu et d’autres services sociaux lui adressent régulièrement des "clients" à dépanner. Les fax tombent. Comme celui-ci, émanant d’un CPAS bruxellois : "Suite à notre agréable entretien, je vous confirme les réservations, pour deux nuits, pour la famille X composée d’un couple et de six enfants, victime d’une inondation. Nous vous remercions pour votre amabilité."
Elu "Bruxellois de l’année 2009" dans la catégorie "Société", le patron de l’hôtel Mozart a reçu une pluie d’e-mails de félicitations pour sa générosité, son souci des autres, sa solidarité sans calcul. Il est d’ailleurs plutôt fier d’exhiber son "book" et les albums photos où on le voit en compagnie de la Reine Paola, descendue quelques heures à l’hôtel Mozart le 15 février dernier, de Laurette Onkelinx ou de Bart De Wever, croisé récemment sur la Grand-Place lors de la fête de la Communauté flamande du 11 juillet. Qu’il a taquiné : "Je lui ai dit qu’il faut veiller à ne pas devenir riche en non et pauvre en oui".
Sa réputation dépasse désormais les frontières : il reçoit des courriers de Suisse, du Canada Ce jeudi, il s’envole pour Marrakech, suite à une lettre envoyée par le secrétariat particulier du Roi Mohammed VI, contenant un billet d’avion aller-retour. Le palais a eu vent "des actions humanitaires que vous menez en faveur des démunis et des sans-abri en Belgique". Ahmed Ben Abderrrahmane, qui a la double nationalité - belge et marocaine - est invité au Palais royal de Tétouan pour la Fête du trône.
En arrivant en Belgique, il y a trente ans, le jeune Ahmed a commencé par travailler dans un restaurant de la rue Grétry. Un soir, sa paie en poche, il rencontre un compatriote, berbère comme lui, enroulé dans un grand manteau, paumé dans la capitale belge où il venait de débarquer. "Je lui ai donné toute ma paie pour qu’il puisse rentrer au pays."
Pendant un an, après avoir acquis l’immeuble de la rue du Marché-aux-Fromages, il se lance dans la location de studios. Déjà, il prête les logements inoccupés à des familles dans la dèche. Mais le projet échoue - "la rue est trop folklorique, pas assez calme" - et il décide, en 1994, de transformer le bâtiment en hôtel - très atypique. "Après 17 ans, on apprend à scanner l’être humain. Les gens que j’accueille ici ont connu un divorce, des problèmes de famille. Les jeunes n’ont pas de certificat d’études.". Des hommes, des femmes, des familles de toutes nationalités, de tous horizons, de toutes religions. "Je leur demande de prendre une douche par jour et de devenir un petit peu musulman : ne pas boire d’alcool, ne pas prendre de drogues et se coucher tôt", plaisante-t-il. Certains hôtes reviennent parfois dire bonjour. "Je leur souhaite toujours bonne chance."
Créateur d'1jour1sourire.fr
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